Cuvée MIDNIGHT OIL
Formé en 1972, Midnight Oil est un groupe de rock australien écologiste engagé, voire activiste, dont les thèmes politiques en tous genres développés dans leur musique furent récurrents tout au long de leur longue carrière.
D'ailleurs, Peter Garrett, le chanteur et leader du groupe, après une campagne anti nucléaire mémorable dès 1984, a même mis temporairement fin à son aventure avec les Oils pour se consacrer pleinement à son poste de ministre de l'environnement, puis de l'éducation dans les années 2000.
Mais faisons fi de tout cela pour nous concentrer uniquement sur leur musique...
D'emblée, en 1978, avec leur album éponyme, Midnight Oil impose un style punk rock très énergique où les soli de guitare, de clavier et les breaks rageurs de batterie vont bon train. On devine alors à l'écoute de titres tels que "Surfing with a spoon" ou encore "Powderworks" que le groupe est doté d'un sacré potentiel. Et puis il faut dire que son chanteur à la voix reconnaissable entre mille et au jeu de scène... comment dire... un peu particulier, attire franchement l'attention !
La tendance se confirme dès la sortie de "Head Injuries", leur deuxième opus, qui offre 9 titres tout bonnement excellents avec un son très "1979". Ab-so-lu-ment rien à jeter.
On écoutera très fort des titres comme "Back on the borderline", "Stand In Line", "Section 5", et très très très fort la dernière minute de "Is It Now", qui clôture cet album dans un tourbillon d'énergie incroyable (écoutez un peu la paire basse / batterie et les arpèges de la guitare électrique sur fond de larsen infini).
"Place without a poscard" paru en 1981 surprend par son style plus aiguisé (quoique toujours punk) plus affirmé, plus chaotique aussi, qui annonce que le meilleur reste à venir...
Le son est aride, agressif. La voix de Garrett elle aussi s'est enhardie, et peut surprendre parfois par ses embardées que l'on croirait à la limite du faux, et pourtant on ne peut plus juste.
Nous retiendrons surtout des titres tels que "Brave Faces", "Armistice Day", "Lucky Country", "Written in The Heart" et "Don't Wanna Be The One", tout en sachant que le reste est vraiment très plaisant à se mettre entre les oreilles.
Un album de transition qui fait le pont entre le rock classique de "Head Injuries" et les structures plus alambiquées, plus aventureuses, plus identitaires de "10,9,8,7,6,5,4,3,2,1"...
En 1982, donc, sort "10,9,8,7,6,5,4,3,2,1", leur premier grand album (et même LEUR MEILLEUR ALBUM selon Midnight Oil eux-même, donc c'est sûrement vrai), dans lequel tous les morceaux s'enchaînent merveilleusement bien pour n'en former finalement qu'un seul. Côté prod, le son est original, audacieux, expérimental même.
Guitares acoustiques, électriques et claviers cohabitent harmonieusement pour soutenir la voix de Peter Garrett elle-même enrobée de chœurs qui font encore aujourd'hui la marque de fabrique de Midnight Oil. On peut dire qu'à ce moment là, le son, l'identité de la formation australienne est réellement née. Cet album recèle des standards du groupe comme "Read About It", "Only The Strong", "Scream In Blue", "US forces", "The Power And The Passion", "Short Memory" ou encore "Tin Legs And Tin Mines".
Ça fait beaucoup, mais je vous l'avais dit : cet album est tout bonnement excellent de A à Z !
Notons aussi qu'avec le synthétique "Outside World" qui ouvre le bal, la cassure est franche avec les précédents opus. Ce morceau très original est réellement une grande réussite tant les synthétiseurs et les percussions s'avèrent utilisés avec habileté.
Il en résulte une ambiance tendue, inquiétante sur laquelle Garrett chante avec une maitrise qu'on ne lui soupçonnait pas encore...
Avec "Red sails in the sunset" paru deux ans plus tard, la bande au géant vert nous surprend encore agréablement avec un album hétérogène, expérimental, bizarroïde, dans lequel les sons métalliques des guitares acoustiques encore plus présentes tutoient insolemment les sons fouillés de leurs cousines électriques. Les claviers atmosphériques martelés par une batterie parfois chargée d'écho se faufilent au milieu de structures alambiquées pour engendrer des pépites telles que l'épique et magnifique "Shipyards of New Zealand" (peut-être le sommet de cette œuvre), le ravageur "Best of both worlds" ou encore le progressif "Jimmy Sharman's boxers".
On peut également entendre sur cet étrange album Rob Hirst (le batteur) pousser la chansonnette sur deux titres ("When The General Talks", "Kosciusko"), mais aussi du digeridoo sur fond de rockabilly ("Helps Me Helps You")...
En conclusion, "Red Sails In THe Sunset" restera une des meilleures productions du groupe, en dépit de sa production audacieuse, voire chargée, mais toujours avec du bon goût.
En 1986, Les Midnight OIl et The Warumpi Band partent en tournée dans quelques villages aborigènes reculés avec un équipement minimaliste et... un groupe électrogène ! Une tournée mémorable, pour le moins inédite, qui donnera naissance en 1987 à leur album le plus populaire: "Diesel And Dust".
Des morceaux intelligents et très bien construits, des sons de guitare à se taper le cul par terre, des chœurs millimétrés et une production qui confère à l'ensemble une ambiance sans laquelle Diesel and Dust ne serait pas Diesel and dust.
What else?
Tout au long des 45 minutes du disque, on voyage dans le désert Australien. Il fait chaud, il fait soif, ça sent la sueur et les bonbons collent au papier. Le disque s'ouvre avec "Beds are burning" (qui deviendra un tube planétaire), et s'achève par "Sometimes", comme s'achèverait un après midi torride d'été.
Entre les deux, on suffoque à l'écoute de Put down that weapon, on toussaille à respirer le "diesel et la poussière" de Warakurna, et on tressaillit aux vrombissements de Bullroarer. Une courte halte pour se désaltérer le temps d'Arctic World et de Whoah, mais ce sera bien tout...
Incontournable.
Jouissant alors d'une popularité à son zénith, les groupe sort en 1990 "Blue sky mining", plus pop qu'à l'accoutumée, mais néanmoins fort sympathique. Une fois de plus, rien à redire, rien à jeter.
Les tubes "Blue Sky Mine", "Forgotten Years", "King Of The Mountain", "One Country" sont décidément très accrocheurs. D'une manière générale, tous les titres présents ici, de par leur caractère accessible, auraient pu être des hits... ce qui ne signifie absolument pas que le groupe a cédé à la médiocrité, bien au contraire.
"Earth And Sun And Moon", en 1993, montre le groupe sous un angle plus mature.
De très bons moments comme "Truganinni", "Feeding Frenzy", "Drums Of Heaven" et le superbe "Now Or Never Land" qui viens terminer en beauté ce dixième effort studio des Oils.
Pourtant, au final, un léger trouble vient nous envahir. Un peu comme si le pic de créativité et le feu de l'action étaient désormais derrière eux. Et bien que ce disque soit réussi, soigné, honnête et totalement honorable, il semblerait que l'heure de l'inéluctable déclin ait sonné.
Tendance confirmée avec le pâlichon "Breathe" paru en 1996, et surtout avec "Redneck wonderland" (1998) à la production exagérément envahissante: On reconnait avec peine le style du groupe sous d'épaisses couches de gazouillis électroniques qui viennent dégueulasser le son inutilement. Quel gâchis... on rêverait du même album avec une prod plus sobre...
Saluons tout de même ce virage à 180°, couillu, de la part d'un groupe qui semble vouloir nous dire qu'ils ne sont pas encore finis, qu'ils en ont encore sous la semelle, et qu'ils sont encore capables de se réinventer après plus de vingt-deux ans de carrière ininterrompue.
En tout cas, encore capables de surprendre et de coller à l'époque, que l'on aime ou non ce "Redneck Wonderland".
Enfin, en réaction à l'album précédent sort le très épuré mais non moins efficace "Capricornia" en 2002. Vraiment agréable, il renferme entre autre "World that I see", "Golden age" et "Poets and slaves". Pas le meilleur, pas le pire, mais le onzième et dernier album à la suite duquel Garrett annonça son départ pour se consacrer à la politique.
Après quelques rares concerts de charité dans les années 2000, Midnight Oil en pleine santé se reforme pour le Great Circle Tour en 2017, une nouvelle tournée mondiale.
2022 verra la sortie de "Resist", leur premier album à paraitre après vingt longues années de silence studio. On y retrouve toutes les recettes du groupe qui ont fait mouche dans le passé. Au fil des pistes, on remonte le temps avec des morceaux rappelant tantôt leurs débuts, tantôt les ambiances de "10,9,8...", tantôt les riffs de "Redneck Wonderland", et j'en passe.
Le principal thème abordé est bien entendu celui de l'environnement, mais avec moins d'espoir que dans leurs précédents opus... et pour cause, les prévisions des climatologues s'avèrent bel et bien réelles, et l'heure de la grande désillusion a sonné.
C'est l'œuvre d'un groupe mature, incroyablement en forme (écoutez un peu la voix de Peter Garrett à la fin de "Nobody's Child"), avec ses refrains majeurs taillés dans le roc du rock, bref...C'est du Midnight Oil en grande forme !
Avec "Resist", un album plus qu'honnête, vraiment très bon (ça faisait longtemps), le groupe opère un retour gagnant, et une fois de plus, ne décevra pas ses fans.
Aucun titre faiblard n'est à déplorer tout au long de ce disque, et nous retiendrons tout particulièrement "Rising Seas", "Nobody's Child", "To The End Of The World", "We Resist", ou encore "Last Frontier".
Seulement voilà, à l'heure à laquelle j'écris ces lignes, Midnight Oil fait sa tournée d'adieux.
Snif.
Ce qui confirme, bien hélas, dix fois hélas, que les meilleures choses ont une fin.
Re-snif.
De par l'extravagance et le parcours de leur chanteur charismatique (un géant chauve de 1.93m), de par leur identité musicale reconnaissable entre mille, et de par leur engagements multiples pour des bonnes causes, on peut dire que Midnight Oil est un groupe à part qui a amplement mérité sa place dans le monde du rock...
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