Cuvée "THE JOSHUA TREE" (U2)
Voici une des meilleures productions des années 80 et assurément un de ces albums cultes qu'il faut absolument avoir écouté au moins 1000 fois avant de mourir !
On peut même affirmer que "The Joshua Tree" est le meilleur disque rock de 1987. Mais longue est la route qui mène à la maturité et à la pièce maîtresse d'une carrière.
Pour en arriver là, les quatre irlandais de U2 auront dû aiguiser leur style, peaufiner leur son, et mûrir leur songwriting tout au long de quatre albums - et pas des moindres - que sont le très prometteur "Boy" (1980), le sobre "October" (1981), le tubesque "War" (1983) et le presque adulte "The Unforgettable Fire" (1984), sans lequel, aux dires de The Edge, "The Joshua Tree" n'aurait jamais existé.
Et donc, à l'écoute de ce chef d'oeuvre, on constate que l'ambiance est plus américaine qu'irlandaise. D'ailleurs, la photo de la pochette prise par Anton Corbijn dans le désert des Mojaves (Ouest des Etats Unis) en donne un avant goût.
On découvre, à l'intérieur du livret du cd, le groupe avec en arrière plan un mystérieux yucca solitaire: le fameux arbre de Josué qui ne pousse que dans cette région des States, et qui peut vivre jusqu'à 200 ans.
On ne parle que trop peu des pochettes de disques qui sont de véritables prolongements visuels de la musique d'un disque et donc une étape créative ultra importante. Un album, c'est un tout.
Hélas, et quitte à passer pour un vieux con, je le dis, je le clame, je le déplore, je le dénonce, mais aucune pochette virtuelle sur un écran d'ordinateur ne remplacera JAMAIS l'excitation que l'on peut avoir lorsqu'on retire fébrilement le cellophane du boîtier cd ou du vinyl, et que l'on ouvre pour la première fois le livret de l'album tant attendu...
Ah ! Et puis il y a aussi les parfums que dégage le papier imprimé...
Nostalgie, nostalgie.
Mais je m'égare.
"Where the streets have no name", le premier morceau de cet opus est un des plus beaux titres que U2 ait jamais enregistré. Un son d'orgue quasi religieux et épique s'élève en fade in, longuement, puis la guitare cristalline de The Edge émerge des ces mystérieuses brumes. L'ensemble commence lentement à prendre forme. Puis la batterie et la basse font leur entrée pour amener le morceau à une hauteur vertigineuse avant l'intervention du chant passionné de Bono.
Ce titre s'avère être encore plus excitant en concert. Il est un moment très intense de communion, émotionnel, très attendu, un point culminant du show, et continue après plus de 30 ans à donner la chair de poule aux auditeurs. On ne s'en lasse pas.
Bono dit d'ailleurs : "Quand on joue Where the streets have no name, c'est comme si Dieu traversait le stade" !
En deuxième lieu vient un morceau d'inspiration gospel "I still having found what I'm looking for", qui est lui aussi un des titres les plus réussis du groupe. La voix de Bono est impressionnante de puissance et chargée d'émotion. La Stratocaster de The Edge, soutenue par la rythmique ronde et finement ciselée de Larry Mullen Jr et de Adam Clayton, donne à l'ensemble la texture idéale.
A noter que ce titre sera interprété en live avec une chorale de gospel lors de la tournée de 1987. Tant pis si je suis vulgaire, mais c'est à se taper le cul par terre!
Et puis il y a LE morceau parfait: "With or without you". Que dire de plus si ce n'est qu'il n'a pas pris une seule ride, et qu'il a rendu jaloux bon nombre de compositeurs? Pas grand chose, mais on pourrait continuer en disant que les arrangements, la structure, la progression, les paroles, les mélodies, les instruments se complètent à merveille pour former un ensemble à l'équilibre remarquable. What else ?
Nothing.
Soudain, tout s'assombrit avec "Bullet the blue sky", un rock menaçant à la fois Zeppelinien et Hendrixien qui traite de l'impérialisme américain. Une fois de plus, en concert, ce titre prend une tout autre ampleur, surtout lorsqu'il est surgonflé par le talent scénique de Bono.
La face A se conclut par l'apaisant "Running to stand still", très doux, où Bono chante avec délicatesse, et se laisse aller à quelques notes jouées à l'harmonica. Cette ambiance américaine, presque bluesy, nous surprend agréablement, et se fond incroyablement bien dans l'ensemble de l'oeuvre. Une première partie sans faute aucune, donc.
Autant le dire de suite, bien que d'une grande qualité et bien que très réussie, la deuxième face est légèrement moins intense que la première. Mais elle n'en reste pas moins savoureuse.
Sur "Red hill mining town", Bono sauve les meubles en chantant d'une façon tellement passionnée qu'il confère au titre une intensité qui aurait certainement manqué sans une telle interprétation.
Immédiatement après vient "In God's country", avec son pont très attendu à 2'04". La basse joyeuse, les arrangements, le son en général et le tempo enlevé en font un morceau que l'on a plaisir à écouter. Il précède "Trip through your wires", un shuffle sur lequel, une nouvelle fois, Bono chante avec ses... tripes, hurle presque, et nous gratifie d'un solo d'harmonica que The Edge vient relayer d'un chorus de guitare bourré d'énergie.
"One tree hill", quant à lui, est dédié à Greg Caroll, le roady de Bono décédé en 1986. On notera les cris désespérés du chanteur mélangés au son crado de la guitare à 4'10, puis l'outro qui contraste avec le reste, très douce et qui termine le morceau sur une nappe de synthé.
"Exit" est totalement à part sur cet album. Elle nous montre un visage de U2 que l'on ne connaissait pas jusqu'alors. Ce morceau sombre, torturé n'a pas de structure évidente et oscille entre moments calmes - mais inquiétants - et explosions rageuses. L'atmosphère est pesante, le climat menaçant.
Durant 1'40", la tension monte progressivement. La suite est composée de spasmes et de moments de relâche incessants. "Exit", contre toute attente pourrait bien constituer le plat de résistance de cette face B...
Et puis enfin, ce superbe album se termine par le brumeux "Mothers of the disappeared". La douceur de ce magnifique morceau relate cependant la tragédie des disparus politiques en Amérique du Sud.
Ce disque mythique balise la première partie de la carrière du groupe avant qu'il ne s'envole vers des horizons extrêmement différents dès 1991 avec "Achtung Baby", "Zooropa", "Pop" etc... etc...
Il est le point culminant de l'identité et du style que les quatre irlandais se sont forgé dès 1980. Il peut être considéré comme l'album de la maturité.
Il faut préciser tout de même que cette belle réussite est également due au talent des producteurs Brian Eno et Daniel Lanois qui ont largement laissé leur empreinte sur ce disque. La contribution à l'enregistrement de Flood, de Dave Meegan et celle de Steve Lillywhite au mixage ne sont assurément pas étrangers à l'élaboration de cette pépite, modèle d'équilibre et de sommet créatif, qui lui octroie un passeport pour l'éternité...
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