Cuvée OMMADAWN (Mike Oldfield)

11/05/19 Musique cuvée

Le nom étrange Ommadawn est tiré du gaélique Irlandais "Amadan" qui signifie "idiot". Il s'agit d'êtres féeriques qui ont le pouvoir de paralyser ceux qu'ils touchent.
Oui, bon, essayons de garder les pieds sur terre pour uniquement nous concentrer sur la musique de ce troisième album de Mike Oldfield, le grand maître que l'on ne présente plus.

Cette oeuvre est construite de la même façon que ses deux prédécesseurs "Tubular Bells" (1973) et "Hergest Ridge" (1974), à savoir un morceau d'environ 20 minutes par face. Hé oui, car en ces temps reculés, les albums se pensaient par face, la durée totale maximale d'un disque vinyle n'excédant que très rarement les 55 minutes...
Sur "Ommadawn", Mike joue la majeure partie des instruments sur un 24 pistes analogique, cela s'entend, dans tous les sens du terme. Ce garçon introverti de 22 ans a un univers bien à lui et un style reconnaissable entre mille, et on savait déjà depuis "Tubular Bells" qu'on avait affaire à un compositeur surdoué, le reste de son immense carrière en témoignera.

Alors dans cet opus où se côtoient allègrement cornemuses irlandaises, percussions africaines, guitares en tout genres, synthétiseurs et bon nombre d'autres instruments plus ou moins traditionnels, l'auditeur est embarqué dans un voyage absolument magique, halluciné, où les mélodies et les voix féminines sont ensorcelantes à souhait.
La structure se veut complexe, ce qui nécessitera plusieurs écoutes afin d'en apprécier pleinement le travail. En effet, les douches écossaises sont nombreuses du fait des changements mode majeur / mode mineur incessants. On passe ainsi d'une atmosphère triste, voire inquiétante, à des thèmes gais pour ne pas dire carrément enjoués.
Par exemple, le début de la face B commence par un thème sombre, menaçant, exécuté au synthétiseur, qui va s'évanouir peu à peu pour laisser place à de belles et calmes arpèges de guitare classique annonçant l'arrivée de cornemuses.
Et l'album se conclut par un étrange thème (chanté par des enfants et Oldfield lui-même) qui pourrait bien ressembler à une joyeuse comptine mais les vocalises féminines et l'ambiance générale en font finalement une séquence assez inquiétante.
Un single a tout de même été extrait de tout ce bazar: il s'agit des 4 premières minutes de la face A. C'est beau, mais tristounet... à l'instar de la pochette représentant Mike (alors dépressif à l'époque) derrière un rideau de pluie...

Certains critiques ont reproché à Mike Oldfield de nous re-servir du réchauffé, à savoir la même recette que "Tubular Bells", avec les mêmes instruments, la même structure, avec des mélodies différentes. Ce n'est pas tout à fait faux, mais force est de constater que ls mélodies sont toujours belles et accrocheuses.

Il était de toute façon temps que le grand maître se renouvelle, et ce sera chose faite après l'impressionnant "Incantations", où il se dirigera vers des rivages plus pop, tout en conservant un aspect progressif à sa musique, et surtout en conservant son style inimitable ("Platinum", "QE2", "Five Miles Out").

Ainsi, "Crises" en 1983 marquera l'apogée de cet équilibre avec un morceau de plus de 20 minutes ("crises") sur la face A, et des petites sucreries pop chantées par la voix enchanteresse de Maggie Reilly ou encore par la voix haut perchée de Jon Anderson (Yes).

En 1990, Oldfield livre "Amarock", un impressionnant étalage de ses capacités en un seul morceau continu de 60 minutes, et ce sera là son dernier grand album avant de patauger avec des "Tubular Bells II et III", ou avant de s'enfoncer dans un musique techno ambient qui ne lui sied guère, et qui a déçu beaucoup de ses fans.
Et puis le coup de grace, ce sera en 2014 avec la sortie de "Man on the rocks", son album le plus pop rock jusqu'alors, qui a continué de décevoir le public.

Mais ENFIN, en 2016, 41 ans plus tard, Mike retourne en "terre natale", re-branche tous ses vieux synthés, toutes ses vieilles guitares, et enregistre la suite directe de "Ommadawn", comme au bon vieux temps, et l'intitulera "Return To Ommadawn".
Les nostalgiques de la période 1973-1978 vont adorer ! Et c'est vrai que l'on a le réel sentiment de retrouver enfin Mike Oldfield.
Alors qu'en est-il?
"Return To Ommadawn" est pensé comme un 30 cm avec seulement deux morceaux d'une durée d'environ 20 minutes chacun.
C'est un album honnête et bien ficelé. On replonge dans les univers oniriques oldfidiens avec bonheur, mais avouons tout de même qu'avec cette tambouille qui sent le réchauffé, la magie n'opère plus tout à fait comme avant...
On pourrait penser à Jean-Michel Jarre, qui en 1997 reprend toutes ses vieilles machines pour enregistrer "Oxygène 7-13", qui se veut être une suite directe au premier volet de "Oxygène" de 1976. Les mélodies ne sont pas inintéressantes, mais il manque quelque chose d'indescriptible. Peut-être manque-t-il la fraîcheur de la "première fois"? Revenir 40 ans en arrière est totalement illusoire, et il est inévitable dans de tels projets de ne pas réutiliser les mêmes recettes. C'est un peu comme avancer à reculons.

Quoiqu'il en soit, après moult tentatives dans bien des styles différents, Mike Oldfield semble revenir à ses premières amours et a d'ores et déjà annoncé la sortie de "Tubular Bells IV", reste à savoir dans quel style!

Ce musicien surdoué, a eu tout au long de sa carrière quelques baisses du niveau d'inspiration, comme n'importe quel autre artiste, quel qu'il soit, du plus génial au plus modeste.
Il aura tenté de se renouveler avec certes plus ou moins de réussite, mais ne se sera jamais endormi sous ses lauriers.
Aller toujours de l'avant tout en conservant son identité, et ce au fil des décennies, est quelque chose d'absolument respectable dans le domaine artistique...
 

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