Cuvée MARILLION
Marillion, aussi discret que légendaire sévit depuis 1979. D'abord nommé Silmarillion (en référence à une oeuvre de Tolkien), il appartient à la vague du néo rock progressif. Son histoire se divise en deux périodes: la période Fish, puis la période Hogarth...
Les fans aussi sont divisés. Plutôt Hogarth? Plutôt Fish? Nous en reparlerons à la fin de cet article...
La période Fish
Seulement 4 albums naîtront de la collaboration entre le chanteur Irlandais Fish et les autres membres de la formation, mais 4 albums constants en termes de qualité. J'avoue cependant avoir un penchant pour "Script for a jester's tears" (1983) et surtout pour "Misplaced childhood" (1985), un album concept très bien ficelé que je qualifierais de pop progressive.
Leur musique est très influencée par Genesis (période Peter Gabriel), ce qui n'est pas pour nous déplaire, et en plus, elle demeure très accessible. Point de superflu, encore moins de démonstration technique, bien que l'ensemble des musiciens savent très bien se servir de leurs instruments. L'identité visuelle est forte. Le décor est planté avec l'arlequin, la pie, le caméléon et les masques carnavalesques qui s'invitent sur chaque pochette de disque...
Quelques morceaux incontournables? Script for a jester's tears, Forgotten sons, Incubus, Heart of lothian ou encore Sugar mice, pour ne citer qu'eux.
Seulement voilà, des tensions internes précipitent Fish vers la sortie, et sera remplacé en 1988 par un chanteur compositeur radicalement différent: Steve Hogarth...
La période Hogarth
"On aurait du changer de nom" en 1988", avouent aujourd'hui les musiciens de Marillion. Qu'importe, le premier album avec H parait en 1989. Il s'intitule "Season's end", il bien accueilli par le public, car très réussi.
Musicalement, on est bien sur la veine de "Clutching at straws", mais la personnalité de Hogarth nous amène tout à fait ailleurs. Sa voix se prête à merveille aux sonorités atmosphériques concoctées par le groupe.
En 1991 sort "Holidays in Eden" sur un mode un peu trop pop aux dires de certains fans de longue date.
Perso, je le trouve extra. C'est un album qui a les sonorités de 1991, avec de très bons titres comme par exemple Splintering heart et la longue suite "This town - The rakes progress - 100 nights".
Mais le meilleur reste à venir: je veux parler de cette pépite qu'est "Brave", composée et enregistrée en grande partie "in the French Périgord" en 1992- 1993, qu'on se le dise ! Sans être chauvin, loin de là, j'affirme que ce disque est le plus intense, le plus complexe, le plus réussi mais aussi le plus sombre de la période Hogarth.
Dans les lignes du livret du CD on peut lire: "Réaliser cet album a occupé plus de 18 mois de nos vies et nous nous sommes usés, mais, s'il vous plait, ne le prenez pas pour vous". Et on peut lire aussi: "PLAY IT LOUD WITH THE LIGHTS OFF".
Il s'agit d'un album-concept qui relate l'histoire d'une jeune fille de 17 ans, pommée, que l'on retrouve amnésique. Tous les titres s'enchaînent à la perfection et il n'y a aucun moment pour souffler un peu, excepté sur le morceau éponyme "Brave", qui est d'une grande douceur.
L'ensemble se termine cependant sur une note positive avec "Made again", un morceau acoustique du plus bel effet.
A noter enfin que cet album renferme l'un des titres préférés des fans et du groupe lui-même: "The great escape".
Puis, en 1995 paraîtra le très efficace "Afraid of sunlight", avec une musique plus simple, moins chargée de réverbération et plus rock. Ce disque contient entre autres merveilles "King" et "Out of this world".
L'album de la maturité et de la sobriété échoue dans les bacs en 1997: Sur "This strange engine" figure peut-être le plus beau titre de Marillion qui s'intitule... "This strange engine", justement, et qui s'étale sur plus de 17 minutes. Une pure merveille de construction alternant passages calmes et passages tendus. Les mélodies sont magnifiques et le final est emporté par la rage contenue du chant de Steve Hogarth. Assez peu connu du grand public, hélas, mais un grand moment du progressif.
Les années 1998 - 2003 verront la sortie d'albums plus dispensables (Radiation, Marillion.com et Anoraknophobia). Marillion déstabilise ses fans en explorant de nouveaux horizons. L'ensemble reste tout de même qualitatif et sincère.
Des expérimentations sûrement nécessaires afin de parachever une métamorphose, un changement de direction, et accoucher enfin en 2004 d'un de leur tout meilleur opus: "Marbles", un double album où il n'y a vraiment rien à jeter. Mosley, le batteur, lâchera d'ailleurs crânement, avec un léger sourire en coin: "It's very long... but it's very good"...
Et c'est vrai!
L'album s'ouvre sur les 11 minutes de "The invisible man", qui est vite devenu un classique du groupe, interprété et transcendé en live par le jeu de scène vraiment très très expressif de Hogarth.
Autre perles de Marbles: "Angelina", "Neverland" et le vaste "Ocean cloud". Mais je le répète, même en cherchant bien, il n'y a rien à jeter.
A découvrir absolument.
Nous savons bien qu'il est difficile de se renouveler, surtout après une pépite telle que Marbles. Et ce qui suivit en 2007 ("Somewhere else"), est hélas un petit peu fade. Quelques bons titres parmi des compositions plus modestes ("The other half", "somewhere else", "The wound").
Mais décidément infatigables et apparemment jamais en manque d'inspiration, Marillion nous livre à nouveau en 2008 un double album: "Happiness is the road". Ou plutôt 2 albums sous une seule et même pochette. Le premier s'intitule "Essence" et s'apparente à un album concept qui s'écoule tout en douceur, tandis que le second "The hard shoulder", plus rock, renferme des morceaux hétéroclites.
La maturité s'y ressent plus que jamais. Tout y est pondéré. Pas de superflu ici sans toutefois que cela soit un frein à la créativité et surtout à l'originalité. C'est un album tout en finesse qui ne dévoilera pas tous ses charmes à la première écoute...
A ne pas manquer : "This train is my life", "Happiness is the road", "Essence", "Asylum satellite 1", "The man from the planet Marzipan", "Older than me", "Throw me out"...
Force est de constater que même si ce nouvel opus n'est pas du niveau de Brave, ou de Marbles, il n'en reste pas moins d'excellente qualité. En tout cas, plus que "Sounds that can't be made" paru 4 ans plus tard, dans lequel figure l'immense "Gaza" qui occupe 18 minutes du disque, et qui se détache largement du reste.
Enfin, en 2016 parait "FEAR" (Fuck Everyone And Run).
Si,si.
Hogarth aborde des thèmes assez engagés comme la politique de Tony Blair, mais aussi l'égoïsme du genre humain, la peur etc...
Les morceaux sont longs, complexes dans leur structure, et l'ambiance est tout de même un peu sombre. La voix de H est comme d'habitude très touchante, et l'interprétation toujours impeccable. Tout comme la prestations des musiciens, d'ailleurs (Steve Rothery, Mark Kelly, Pete Trewavas, Ian Mosley).
L'intégralité de FEAR sera enregistrée au Royal Albert Hall et sortira en DVD en 2018 (All one tonight). L'interprétation live confèrera à l'oeuvre un je ne sais quoi de plus punchy qui manquait à la version studio.
EN CONCLUSION: A tous les acharnés têtus comme des mules qui continuent, après plus de 30 ans, à renier la légitimité de Hogarth, je voudrais dire ceci: Marillion, ce n'est pas seulement 4 (superbes) albums avec Fish enregistrés de 1983 à 1987. Il en existe 14 supplémentaires, qui sont tous dignes d'intérêt... Rares sont les musiciens qui restent intègres et inspirés après tant d'années.
Continuer à s'exciter sur leurs quatre premiers albums, c'est se priver de pépites du rock progressif, et du rock tout court. Bref, c'est se priver de bien des plaisirs.
Et vous hésitez encore?
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